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EVE, DU MICRO À LA SCÈNE


INTERVIEW –Après la radio et la télé, Ève Ruggieri présente sur scène une version chorégraphiée de « Carmina Burana » et de « Carmen suite », un grand spectacle qui a déjà réuni 48 000 spectateurs. Défi abordé avec humilité.

Vous montez sur scène pour Carmina burana. Vous aimez cet opéra ?
Ève Ruggieri. A priori, ce n’est pas un opéra que j’aurais programmé dans un de mes festivals. Je le jugeais à mi-chemin entre la musique classique et la musique de ballet. Quand on m’a parlé de cette production, j’ai écouté l’œuvre en entier et j’ai compris qu’elle méritait qu’on aille plus loin. Alors je me suis penchée plus avant sur l’œuvre, son histoire et celle de Carl Orff, son créateur. Par exemple, la partition a été découverte dans un vieux couvent du Tyrol, c’est amusant. Je consulte toujours les conditions de création des œuvres, la vie du compositeur, le moment de l’écriture. Toutes ces informations et anecdotes forment un puzzle qui, assemblé, donne la cohérence de l’œuvre.

Pourquoi cette production vous a-t-elle séduite?
On m’a proposé ce « Carmina burana » dans une version chorégraphiée pour le festival Les Nuits musicales de la Sainte-Victoire, dont je suis la marraine. J’ai découvert ces 160 artistes, ces jeunes et de surcroît excellents danseurs, ces solistes de grande qualité, ce chœur et cet orchestre formés à l’exigeante technique de l’Europe de l’Est. Avec une telle énergie, l’opéra comme le ballet « Carmen suite » deviennent du grand spectacle. Le producteur, Franck Dompietrini, m’a dit : « Je veux travailler avec vous afin d’apporter une dimension pédagogique au spectacle. »

Monter sur scène reste-t-il un défi pour vous, même si vous ne chantez pas?
Oh oui ! Même si je m’adresse à des milliers de gens à travers la radio, parler dans des Zéniths, des salles de 4 000 personnes comme la Patinoire de Mériadeck, c’est une grande nouveauté. Je suis pleine de trac et me demande à chaque fois : «Est-ce que le public sera intéressé par ce que je vais dire?» Certains spectateurs me connaissent par la télévision et à présent par Radio Classique, mais il y a aussi toute une génération qui ne m’a jamais entendu… Le premier soir a été un triomphe. J’en avais les larmes aux yeux de reconnaissance.

Quels types de public pensez-vous toucher?
La politique de prix est conçue pour toucher des gens qui n’iraient pas à un spectacle lyrique. À 20 ou 30 euros, on peut toucher ceux qui n’ont pas les moyens de sortir souvent et qui découvrent que la musique classique peut être attractive. Il faut que ce public s’élargisse et se renouvelle. On ne peut pas s’adresser qu’à ceux qui peuvent mettre 300 euros dans une place d’opéra. Bien sûr, les spectateurs viennent pour les «tubes» de Carmina burana et de Carmen. Mais parfois, ils n’imaginent pas ce qu’est un spectacle de danse. Souvent, ils sont tellement emportés par le show, les danseurs, les chanteurs qu’ils ne veulent plus laisser partir les artistes ! Et certains viennent me voir en sortant pour me dire : «Grâce à vos explications, on a compris la musique.»

Cette démarche est-elle conforme aux valeurs que vous avez défendues dans le service public?
Exactement. Déjà, à mes débuts à la radio, à France Inter, je me suis intéressée à l’histoire puis, avec la télévision et «Musiques au cœur», aux musiques. Je tenais à ce pluriel car il n’était pas question de parler comme un musicologue, mais de communiquer un plaisir et de promouvoir des artistes. J’ai été la première à montrer Roberto Alagna, Cecilia Bartoli ou Natalie Dessay à la télévision.

Regrettez-vous d’avoir quitté la télé?
Pendant vingt ans, dans le service public, j’ai fait ce que je voulais. Les cinq dernières années ont été bousculées par la course à l’audience, dont je pense que la télévision publique ne devrait pas tenir compte. Quand l’horaire de diffusion de l’émission a frôlé 1 heure du matin, ce n’était plus possible. Après avoir travaillé toute une journée, qui va attendre une heure pareille devant sa télé ? Je n’ai pas de regrets. J’ai fait partager ma passion et cela m’a fait une belle vie.

Vous allez dans les établissements scolaires « difficiles » pour parler musique classique. Comment cela se passe-t-il?
Très bien! Les élèves restent discrets, ne se manifestent pas beaucoup, n’applaudissent pas mais j’arrive à les toucher en parlant des compositeurs à leur âge. À 14 ans, Mozart, comme eux, parlait le verlan et s’éveillait à la sexualité. Je leur explique pourquoi tel air est très difficile à chanter et pourquoi les cantatrices sont comme des sportifs de haut niveau. J’ai eu de très belles expériences, comme cette classe à qui j’ai rendu visite et qui m’a accueillie l’année suivante avec un orchestre «fait maison», avec des instruments de musique à eux, des banjos, des accordéons, etc. J’ai été soufflée! Si personne ne fait ce travail, qui ira dans les salles d’opéra dans trente ans?

Carmina burana et Carmen suite, sous la direction musicale de Grigori Penteleïtchouk, le mardi 22 mars à la Patinoire de Mériadeck à Bordeaux, à 20 h 30. De 20 à 88 €. Réservations dans les points de vente habituels.

Article paru dans Sud Ouest Dimanche du 20 mars 2011
Photo : © Radio classique/Laurent Rouvrais

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