Titanesque. Samedi soir, le Jeune Orchestre Atlantique (JOA) a interprété avec délicatesse et panache une très belle pièce du répertoire, la Première symphonie dite « Titan » de Gustav Mahler (1860-1911). C’était un défi pour un orchestre de jeunes d’aborder cette pièce de 1888 sur instruments anciens. « Seul le Philharmonique de Vienne s’y est essayé », affirme le corniste Nicolas Chedmail, un ancien du JOA devenu formateur et collaborateur de l’Orchestre des Champs-Elysées. « Le plus difficile avec ce type d’instrument est l’intonation », résume Gabriel Trottier, l’un des cors du JOA.
Pour ce Québécois, la première étape consistait à trouver l’instrument ad hoc. « Il me fallait un cor viennois, ce qui est assez rare. Heureusement, une corniste de l’Orchestre du Québec a une très belle collection et m’en a prêté un, il y a un mois. » « Certains jeunes n’auront eu leur instrument qu’une semaine avant d’arriver à l’Abbaye aux Dames, précise le formateur Nicolas Chedmail. S’adapter est le propre de la démarche sur instruments d’époque ! »
A suivi un travail de recherche et d’écoute de plusieurs versions de la pièce de Mahler. Un DVD fut particulièrement utile à Gabriel qui a longuement étudié la position des doigts des musiciens ! Après ce mois de travail, l’arrivée à Saintes a lancé le début des répétitions par pupitre afin de trouver l’équilibre dans les intonations. « La plupart des étudiants sont presque des professionnels, analyse Nicolas Chedmail. Il ne leur manque pas grand chose techniquement, seuls quelques réflexes d’orchestre qu’on acquiert petit à petit. « Une telle formation n’existe pas dans mon pays, affirme le Québécois. Il faut des musiciens de haut niveau pour jouer Mahler. »
Ultime étape : le chef
L’arrivée de Philippe Herreweghe à une semaine de jour « J », travaillant avec le JOA quelques six heures par jour, marque l’étape finale de préparation. Gabriel a été enchanté de cette rencontre : « Bien que ce soit la première fois qu’il aborde cette partition, Philippe Herreweghe a une idée précise de ce qu’il souhaite. Il a beaucoup lu l’œuvre en amont ! Son rôle est musical, presque poétique : il compare les passages à des images – un lever de soleil – ou un animal – un coucou. C’est une aide précieuse : quand on arrive au concert, on ne pense plus à la technique mais à ces images. »
Le résultat fut à la hauteur de cette longue préparation, avec des premiers mouvements délicats et un dernier tout en puissante et en vivacité – notamment chez les cors. Les apprentis du JOA se sont confrontés à la vraie vie du concert : ne pas casser une corde de son violon en plein milieu du concert. Ce fut le cas pour la violoniste Salomé Rateau qui, avec un admirable sang froid, a replacé une nouvelle corde à son violon et l’a confié au premier violon, son voisin, pour qu’il l’accorde et finisse la symphonie avec lui. Pendant ce temps, elle a hérité de son instrument à lui, une pièce de collection. Contre mauvaise fortune bon coeur !
Samedi 13 juillet 2013, Saintes.
Photo © P.Garnier