B. Martinu (1890-1959) |
FESTIVAL – En prélude au dernier week-end du festival de la Roque d’Anthéron, Claire Désert et Florent Boffard donnent deux concertos rares et engagés de Martinů et Schoenberg… Ca vous effraie ? Vous avez tort ! Explications.
« Ce Concerto est le plus emblématique de Bohuslav Martinů, nous explique Claire Désert. Né en Bohème, il s’installe à Paris en 1923, impressionné par la musique de Debussy, Pelléas et Mélisande notamment. Il rejoint la classe d’Albert Roussel (fameux prof d’écriture dans le Paris de la Belle époque, ndlr) et l’on retrouve dans son Concerto une pulsation, un raffinement et un soin dans l’orchestration propre à Roussel. Néanmoins on entend l’influence folklorique et même l’influence américaine, un côté motorique – beaucoup de rythme, une pulsation régulière. »
La musique comme une arme
La pièce a été écrite en 1956 aux Etats-Unis où Martinů s’est installé en 1939. C’est une commande de l’Orchestre Philharmonique de New York. 1956 : en cette année noire pour l’Europe centrale (insurrection de Budapest) on pourrait croire que le propos de Martinů est politique : « il parle de la musique comme arme de combat à la recherche de la vérité, mais c’est plutôt un propos philosophique, analyse Claire Désert.
Le même soir, Florent Boffard jouera le Concerto de Schoenberg, un compositeur que le pianiste connait sur le bout des doigts (il a signé une très beau double CD de son oeuvre pour piano chez Mirare). « Ce concerto est la pièce la plus facile pour aborder Schoenberg, affirme le pianiste. Il le compose dans sa période d’ouverture (après celle de l’avant-garde du Pierrot Lunaire, ndlr) : c’est la période de l’immigration, un moment de nostalgie du passé, du geste romantique. Certes, son langage n’est pas tonal mais il reste très expressif. Sa forme est assez classique – quatre mouvements compilé en un seul. Le piano est mis en lumière comme dans la tradition romantique mais de façon moins héroïque que chez un Brahms par exemple. Schoenberg était très conscient de son héritage musical. »
Et la vie continue
Chaque mouvement comporte une petite phrase qui pourrait nous faire croire à un témoignage autobiographique. Disons le simplement : ce genre de dévoilement n’est pas le genre de Schoenberg et je soupçonne les commanditaires américains d’avoir demander au compositeur quelques petites phrases d’accroche pour guider l’écoute ! Les voilà :
– « La vie était douce » (« Life was so easy ») du premier mouvement est une valse viennoise
– « Soudain, la haine explosa »(« Suddenly hatred broke out ») fait probablement référence à la montée du nazisme.
– « Cela fit naître une situation inquiétante » (« a grave situation was created ») est le 3e mouvement
– « La vie continue » (« But life goes on ») : un poil ironique le Arnold ?
Un concert à suivre en direct sur France Musique.
Pour plus d’explications sur le Concerto pour piano de Schoenberg, regardez cette discussion entre le pianiste Pierre-Laurent Aimard et son compatriote le flutiste Emmanuel Pahud.