FESTIVAL – La première soirée du Festival de Saintes fait revivre un moment historique : le Camp du Drap d’or, quand François 1er rencontre Henri VIII d’Angleterre pour faire la paix… et de la musique. Précisions avec Denis Raisin Dardre, directeur de l’ensemble Doulce Mémoire qui joue ce soir.
Qu’est-ce que le Drap d’or ?
D.R.D. : Une grande rencontre diplomatique en 1520 dans le Nord de la France, entre le roi de France, François 1er, et le roi d’Angleterre, Henry VIII. Les deux rois et leur cour ont vécu pendant 18 jours dans des tentes tissées par 100 ouvriers à Tours. Une église pouvant accueillir 300 personnes a même été construite ! Chaque camp veut impressionner l’autre : on choisit les plus beaux vêtements, les plus beaux bijoux et la plus belle musique. Le but de la rencontre était d’installer une alliance entre les deux pays, on a donc donné une messe commune… ce fut un choc des styles !
Pourquoi un tel choc ?
Car les Anglais ont un style très différent du reste de l’Europe. A cause de leur insularité, ils ont conservé une musique à l’abri des influences italiennes, françaises, allemandes. A Rome ou à Aix-la-Chapelle, les styles musicaux ne sont pas si dissemblables. Par exemple, les Français viennent avec des instrumentistes alors que les Anglais ne chantent qu’a capella. Le style français est massif, dépouillé, et aime la puissance sonore. Le style anglais est gothique, flamboyant, comme leur architecture. Et les diapasons – qui ne sont pas fixes à l’époque – sont différents : celui des Anglais est plus haut. Déjà au XVIe siècle, les Anglais roulaient à gauche (rires).
A-t-on gardé les partitions de l’époque ?
Elles sont rarissimes. Les Français ont gardé l’édition de Pierre Attaingnant (né en 1494, pionnier dans l’impression de la musique, ndlr). Les Anglais n’ont pas de partition mais ont gardé une immense tradition orale via leurs chapelles et les ensembles de musiciens au service du roi. La tradition anglaise est ininterrompue… à l’inverse de nous : les maîtrises ont disparu à la Révolution française. On sait que les effectifs de l’époque étaient de 6 ou 7 musiciens jouant du cornet, de la saqueboute ou de la bombarde. A côté de chaque instrumentiste se plaçait un chanteur. Cela demande une technique de chant très particulière. C’est la grande spécialité de Doulce Mémoire, notre savoir-faire.
Comment s’est soldé le Drap d’or ?
Par la guerre ! On a dépensé des sommes fantastiques pour une paix qui n’aura jamais lieu. Tout cela n’aura servi à rien… si ce n’est à faire un beau programme de concert !
Propos recueillis par Séverine Garnier
Vendredi 14 juillet, 19h, Abbatiale. De 35 à 44 €. Places à 1 euro pour les moins de 18 ans accompagnés d’un adulte. www.festivaldesaintes.org et 05 46 97 48 48.
Article paru dans Sud Ouest du 14 juillet 2017.
France-Angleterre : le match musical avec Doulce mémoire
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