AccueilNon classéPhilippe Herreweghe : "Une crise salutaire"

Philippe Herreweghe : « Une crise salutaire »

INTERVIEW – Le maestro Philippe Herreweghe clôture le festival à la tête de son Orchestre des Champs-Élysées qui souffre, comme nombre d’orchestres, de la crise.

Le Festival de musique de Saintes s’achèvera ce soir en apothéose avec la Symphonie n° 9 de Bruckner, interprétée par l’Orchestre des Champs-Élysées (OCE) en grande formation, soit 80 musiciens. Jeudi après-midi, avant une répétition au collège René-Caillié de Saintes, son fondateur et chef, Philippe Herreweghe, a répondu à n os questions.

Sud Ouest. Vous dirigez ce soir la 9e Symphonie de Bruckner, un sommet pour vous et l’orchestre ?

Philippe Herreweghe : Bruckner est un compositeur que j’ai beaucoup de plaisir à jouer, au même titre que Bach ou Beethoven. Avec l’Orchestre des Champs-Élysées (OCE), nous avons déjà interprété et enregistré plusieurs de ses neuf symphonies, bien qu’au départ, certains musiciens aient eu des réticences à jouer cette musique extrêmement exigeante. Ils ont fini par adhérer comme le fera, je l’espère, le public de Saintes. L’acoustique de l’abbaye, qui n’est pas sèche comme beaucoup de salles de concert, est un atout indéniable. La taille de la scène risque, elle, d’être un peu petite pour les 80 musiciens qui seront sur scène mais la quintessence de cette musique exige une certaine grandeur.

Cette grandeur a-t-elle un impact budgétaire ?

Bien sûr, plus il y a de musiciens impliqués, plus le prix à payer est grand, c’est mécanique. Nous trouvons des accords avec un festival comme celui de Saintes, avec lequel nos relations sont très anciennes. Néanmoins, comparé aux orchestres permanents (Orchestre national Bordeaux Aquitaine ou Orchestre de Poitou-Charentes, par exemple), l’Orchestre des Champs-Élysées réalise le même nombre de concerts pour une subvention de l’État, dix fois inférieure. Nous vivons avec 1,5 million d’euros par an.

En 2008, le Conseil régional Poitou-Charentes a baissé de 300 000 euros l’enveloppe de l’OCE. Quelles font été les conséquences ?

Oui, c’était un peu dommage… Cette baisse est arrivée en plein exercice, donc nous avons purement et simplement interrompu des tournées et arrêté de travailler. Nous n’avons pas de réserves pour compenser une telle perte. J’espère convaincre les personnes décisionnaires de revenir au chiffre de 2008 et engager un dialogue avec elles sur la présence de l’OCE dans les salles de la région, à laquelle il est attaché depuis son origine en 1991 (l’Orchestre a ses bureaux à Poitiers, NDLR).

Dans toute l’Europe, et même aux États-Unis, les orchestres subissent la crise. Avez-vous peur pour l’avenir ?

Je voyage beaucoup en Europe et je constate les effets de la crise. En Espagne, par exemple, où des salles toutes neuves sont vides et des orchestres fermés. En Hollande où, outre les raisons budgétaires, certaines tendances politiques populistes ont décrété que le classique était pour les élites, conduisant à la suppression de la moitié des orchestres.

Néanmoins, cette crise peut également avoir un aspect salutaire. Nos pays (la Belgique comme la France) ont connu une période faste et nous payons à présent une certaine inconscience budgétaire. En médecine (Philippe Herreweghe a été médecin à Gant en Belgique, NDLR) comme dans la culture, il y a eu beaucoup de gaspillage. Si je compare mon propre salaire à ce que touche un chef pour un opéra : des clopinettes !

Qui pourrait être légitime dans la décision de fermer un orchestre ?

Pas les politiques, qui ont rarement une vision de l’importance de la culture à très long terme. Évidemment, si on me demandait de juger, je désignerais un autre orchestre que le mien ! On ne peut être juge et partie. En Belgique, l’option choisie – qui n’est pas idéale mais qui a le mérite d’exister – est celle d’une commission composée d’experts extérieurs aux institutions, des musicologues notamment. Néanmoins, gardons une chose à l’esprit : la qualité de la vie culturelle européenne n’a jamais été si haute. Dans ma jeunesse à Gant, il n’y avait qu’un concert par semaine, avec un répertoire très serré, sans parler du niveau d’interprétation. Ne soyons pas pessimistes.

Concert de l’Orchestre des Champs-Élysées, sous la direction de Philippe Herreweghe, samedi 21 juillet, à 20 heures, à l’abbaye aux Dames. Renseignements au 05 46 97 48 48.

Photo © Michiel Hendrick
Article publié dans le journal Sud Ouest, édition de Saintes.

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