FESTIVAL – La chanteuse tunisienne rend hommage aux grandes divas de la musique arabe.
En Tunisie, êtes-vous considérée comme une chanteuse de musique classique ?
D. H. : Oui. Je me place dans la tradition de la musique savante arabe, le Maalouf et celle des vieilles chansons, très populaires et connues dans le monde entier, celles de l’école Oum Kalsoum. Pour une chanteuse, interpréter Oum Kalsoum est une sorte de test, de diplôme. Il est très valorisant de chanter ses chansons devant un jury car elles exigent un grand travail, une maîtrise de la voix comme des styles, car cette icône évoluait dans des genre musicaux différents…. le tout sans copier, en étant soi-même.
Que vous a apporté votre formation en musicologie à la Sorbonne ?
D. H. : C’était pour moi l’occasion d’épurer, de mettre à nu ce répertoire afin de le rebâtir avec mes musiciens. Il nous a fallu casser cette tradition, très forte dans les mémoires… il y a des choses que je n’osais pas faire, je refusais de toucher à certaines habitudes. Par exemple, ne pas jouer à l’unisson, laisser parfois un solo de violon ou carrément faire silence quand la chanteuse improvise. « Nuit d’intimité », une chanson d’Asmahan, était composée pour un orchestre symphonique et nous l’interprétons à quatre. Cela n’a rien à voir.
Peut-on comparer cette approche avec celle du jazz ?
D. H. : Oui car il y a une même liberté. D’ailleurs la musique arabe et le jazz sont assez proches en esprit.
Ces divas – féminines, engagées, patriotes – ont-elles forgé l’image de la femme tunisienne ?
D. H. : La femme tunisienne se bat pour garder l’émancipation qu’elles incarnaient. Bourguiba avait poussé la femme à s’instruire, à travailler, à voir le monde. On s’étonne aujourd’hui de cette liberté d’alors : où va la femme ? De nombreuses vidéos de cette génération sont postées sur les réseaux sociaux pour montrer comment certains essayent de revenir en arrière.
Etes-vous inquiète de la place de la femme dans la société tunisienne ?
D. H. : Cela ne m’inquiétait pas il y a encore quelques mois… mais ces choses-là arrivent tout doucement et on ne les voit pas venir. Si ce n’est pas le gouvernement ce seront des milices, des groupes qui interviendront dans le domaine culturel, des arts, au nom des fondamentalistes.
Avez-vous ressenti des freins dans votre carrière ?
D. H. : J’ai eu la grande chance d’avoir un père musicien qui a toujours bien accueilli ma passion, m’a formée et m’a aiguillée dans ma carrière. Aujourd’hui je suis assez libre car je suis connue, et parce qu’être une chanteuse classique ne fait pas peur. Néanmoins, pour les fondamentalistes, chanter n’est pas bien… En 2006, j’ai psalmodié le Coran et le répertoire soufi, avec une Française derviche-tourneur. Je voulais présenter ce répertoire avec une voix féminine. Le grand cheikh de Turquie m’a soutenue disant « aucune femme n’a eu le courage de faire cela ». Et pourtant j’ai été très critiquée, on m’a reproché de ne pas être voilée, de montrer mes bras nus. Ce spectacle n’a pas pu être donné dans d’autres pays arabes.
Lundi 15 juillet, Abbaye aux Dames. 19 h 30. 8 à 50 €. 05 46 97 48 48.
Photo ©Brounch
Article paru dans Sud Ouest édition de Saintes.
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