CD – Disons le tout de go : l’auteur de ce blog n’a jamais été très fan des prestations de Khatia Buniatishvili. ET pourtant, avec « Kaléidoscope », son dernier disque, elle surprend.
La première fois que le travail de Khatia Buniatishivil s’est présenté à nos oreilles, c’était en 2011, au festival de Verbier. La pianiste jouait « Les saisons » de Tchaïkovski, un cycle plutôt tendre, avant de se lancer dans « La Sonate en si » de Liszt. La première pensée qui m’était venue : « cette fille se venge du piano. Quel drame a-t-elle vécu pour avoir besoin de le brutaliser ainsi ? »… Ne nous méprenons pas : Khatia Buniatishvili n’est pas une brute qui tape comme une sourde. Elle a des possibilités techniques absolument fantastiques, capables de passer d’un énorme forte à d’incroyables pianissimi. Là où l’artiste parfois dérange c’est qu’elle choisit d’utiliser l’une ou l’autre de ces techniques à contre-courant de la tradition, bousculant même les tempo, les accents, au point qu’on a le sentiment parfois d’entendre une autre partition.
Elle poursuit cette identité audacieuse dans son dernier disque : « Kaléidoscope » (Sony). L’album s’ouvre sur « Les Tableaux d’une exposition » de Moussorgski, qui sont à mes yeux d’une grande modernité (écoutez la version de Leif Ove Andsnes pour vous en convaincre) et surtout d’une grande puissance (écoutez la version de Alice Sarah Ott qui ouvre la Playlist Classique mais pas has been). Khatia, à son habitude, nous donne tout le contraire : des Tableaux qui débutent avec une douceur superbe, digne d’un cycle de pièces romantique voire de pièces pour enfants ! Malheureusement le choix stylistique ne tient pas la longueur… la pianiste ne peut maintenir une telle tension dans les moments plus forts comme « Bydlo », un passage un peu « pompier » sur lequel les pianistes butent souvent. On aura les mêmes réserves pour les accords pesants de sa « Pétrouchka » : la pianiste sait accentuer le côté burlesque de ce ballet composé par Stravinski mais confond force et lourdeur et donne des accords écrasés en guise de rythme. A croire que comme au tennis, les pianistes se sont engagés dans une compétition pour la force et la puissance qui fait de Khatia une championne. Son confrère, Arcadi Volodos, est venu jouer récemment à Bordeaux. Avant le concert, pour aider l’accordeur dans son travail, il lui a dit « je ne suis pas un fortiste, je suis un pianiste… »
En concret le 7 mars à la Philharmonie de Paris.