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Aliette de Laleu : « la prochaine bataille du classique est la lutte contre les violences sexuelles »

LIVRE – La journaliste Aliette de Laleu publie ce 2 février Mozart était une femme aux éditions Stock, et redonne vie aux nombreuses femmes qui ont marquée la musique classique de leur empreinte,

« Les chefs-d’œuvres ne naissent pas chefs-d’œuvres, ils sont construits, correspondent à des contextes historiques et parfois relèvent même un peu du hasard », écrit la journaliste Aliette de Laleu. Et dans l’histoire de la musique classique, ce hasard est affaire d’hommes.

Chroniqueuse à France Musique, conférencière, experte sur la condition des femmes dans la musique classique, Aliette de Laleu est une contributrice active de la réhabilitation et la mise en avant de notre matrimoine musical. Son premier ouvrage Mozart était une femme, paru ce 2 février (éditions Stock), est le prolongement naturel de ces années de travail. Un inventaire historique riche, qui sonde la place des femmes et ses figures, de Sappho à Kaija Saariaho.

Mozart était donc une femme ?

Aliette de Laleu : Mozart n’était pas une femme et je le précise très vite dans mon ouvrage. Dans Une Chambre à soi, l’autrice britannique Virginia Woolf imagine une sœur de Shakespeare, Judith. En traçant mon récit, j’ai pensé à Ana Maria Mozart, dite Nannerl, la sœur de Wolfgang Amadeus. C’était une musicienne prodige de cinq ans son ainée. Enfants, ils vont tous les deux être trimballés par leur père dans une tournée de concerts au quatre coins de l’Europe occidentale.

Le succès est au rendez-vous, mais à l’adolescence, Ana Maria est exclue par le père Mozart car doit se préparer au mariage. La vie d’Ana Maria est celle d’un destin brisé. Mon ouvrage en évoque bien d’autres, mais j’y parle aussi celles qui s’en sont émancipées.

Pourquoi avoir choisi de remonter plus de 2500 ans en arrière ?

Parce que les femmes ont toujours fait partie de l’histoire de la musique, elles sont là depuis le début. Elles sont compositrices, musiciennes, cheffes d’orchestre, en France, en Italie, en Suisse, en Allemagne… Je me suis appuyée sur les ressources universitaires, qui ne manquent pas, mais mon ouvrage est loin d’être exhaustif. J’ai choisi de fonctionner au coup de cœur. Chacune des femmes que j’évoque mériterait un livre à part entière. Toutes leurs histoires sont très romanesques.

Lire aussi : Innocence à Aix : un choc pour l’histoire de l’opéra
Anna Maria Mozart (1751-1829)

La place des femmes dans la musique classique évolue t-elle parallèlement aux avancées de la société ?

Oui, la vie musicale suit la condition des femmes. Dans l’Histoire, on constate des avancées dans la condition des femmes et aussi qu’après les grandes crises, il s’opère souvent un retour en arrière très violent pour elles. Avant la Révolution française de 1789, des femmes s’élevaient dans la musique et la littérature : Olympe de Gouges, Constance de Salm, Sophie de Bawrn, Julie Candeille… Cet élan est coupé en plein vol après la Révolution : l’Empire napoléonien dépossède les femmes de tout et les condamne au foyer.

Les compositrices sont « reléguées » aux rôles d’interprètes ou de professeurs. La création est associé au genre masculin. Très peu de compositrices s’en sont sorties dans les générations qui suivent juste après, comme Louise Farrenc.

Finalement, le XXe siècle s’ouvre sur de belles promesses : on assiste à la création d’orchestres féminins, Lilli Boulanger remporte le Prix de Rome. Mais là encore, les guerres viennent bouleverser les élans féministes. Les années 1950 et la période contemporaine sont très dures pour les femmes. les orchestres redeviennent masculins. Il y a très peu de compositrices actives en France, sauf en musique électronique. A ce moment bien précis, les hommes gardent leur territoire. Les femmes sont leurs secrétaires, au mieux, leurs assistantes.

Revenir en arrière permet d’envisager le futur, comment voyez vous le classique dans les prochaines années ?

La musique classique se tire une balle dans le pied en restant ce qu’elle est : figée. Le concert dans sa forme actuelle n’a pas évolué depuis un siècle. Si on veut qu’elle continue de vivre, il faut vraiment changer. Il va falloir croiser les genres musicaux et artistiques. Créer des œuvres hybrides nouvelles. Il ne s’agit par de rejeter le passé, mais d’oser d’autres choses.

A l’Orchestre de chambre de Paris, une académie de jeunes compositrices

Quid de la place des femmes ?

Actuellement, des femmes œuvrent pour mettre en avant le matrimoine musical. Ce travail apporte un nouveau souffle féministe, il suffit de jeter un œil aux enregistrements de disque. On ne peut qu’être heureux d’entendre des nouvelles œuvres, de nouvelles interprétations. Je n’y vois que du positif.

Les musiciennes ont déjà gagné des batailles, même si d’autres pupitres sont encore à gagner, les cuivres, les percussions par exemple. La prochaine bataille du classique va être la lutte contre les violences sexuelles et sexistes. La musique classique ne se place pas au dessus de ça, elle n’est pas décolorée des crispations de la société actuelle.

Aliette de Laleu, Mozart était une femme. Editions Stock, 2022. 250 pages (20,50€)
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